Lagressivité, la jalousie marquent les rapports du garçon avec son père. Sa préoccupation principale est de devenir l'unique objet du désir de la mère. Le père est un rival plus ou moins dangereux qui occupe la place convoitée dans le lit maternel. Une sorte de rivalité s'instaure entre le petit garçon et son père. C'est celui des deux qui sera le plus fort, le plus grand, le plus Sigmund Freud, le père de la et psychiatre autrichien d’origine juive, Sigmund Freud est le père de la psychanalyse. Ses théories ont souvent été controversées, mais Freud est sans aucun doute l’un des scientifiques qui aura le plus influencé la pensée de son jeunesseIl grandit en Autriche, à Vienne, où il fera des études universitaires brillantes, mais probablement pas en accord avec ses propres attentes. Attiré à une époque par un engagement politique, il a nourri tout au long de sa vie une ambition forte, mais conservera toujours une certaine distance avec le pouvoir. Le climat social et politique ne lui sera pas vraiment favorable. Il trouvera dans la médecine et plus particulièrement la micro - chirurgie réparatrice de la verge, de quoi comprendre une part de son évolution, et la nature des ses futures découvertes. Il deviendra en ce domaine un chirurgien reconnu et recherché, mais il finira par tourner le dos à cette spécialité pour se consacrer aux souffrances débuts dans la psychanalyseEn 1885, Freud obtient une bourse pour se rendre à Paris et suivre un stage à la Salpêtrière auprès du docteur Charcot, neurologue le plus reconnu de l’époque. C’est alors qu'il précise ses connaissances sur l’hystérie, pathologie très en vogue à l’époque et considérée jusqu'alors comme liée à l'utérus, et sur les traitements à base d’hypnose. Fort de cette expérience, il revient à Vienne après un passage par Berlin et ouvre son cabinet de consultation. C’est aussi à cette période qu’il se consacre à l’étude d’Anna O, jeune femme hystérique, en collaboration avec Joseph qu’il pratique la médecine nerveuse traditionnelle dans son cabinet, Freud décide, faute de résultats convaincants, de tenter la méthode de l’hypnose. C’est sur le désormais célèbre cas d’Anna O que Freud concrétise ses recherches et obtient des résultats concluants, publiés dans les Etudes sur l’hystérie en 1895. La découverte fondamentale est le lien entre les symptômes de la malade et ses souvenirs refoulés dont elle n’a pas conscience. En faisant revivre à la patiente ses souvenirs sous hypnose, les symptômes de la maladie s’atténuent. C’est ce que Freud appelle la catharsis, c’est-à-dire la purification. Toutefois, il doit faire face à l’hostilité du corps partir du cas d’Anna O, Freud va alors s’engager dans une nouvelle voie et mettre au point la psychanalyse. Sa méthode prend un nouveau tournant lorsqu’il abandonne l’hypnose pour la libre association, acceptant la demande d’une patiente connue sous le nom d’Elisabeth von R. Désormais, les patients s’expriment consciemment mais en ne pratiquant pas la censure habituelle dans le langage social et en se laissant guider par ce qui leur vient à l’ affecté par la mort de son père en 1896, décide de pratiquer une auto-analyse et se consacre parallèlement à l’interprétation de ses rêves. En parallèle, il fait des recherches sur la sexualité infantile, ce qui l’éloigne de son ami Joseph concept de transfert, c’est-à-dire de report de sentiments infantiles refoulés sur son entourage, sa théorie sur le complexe d’Œdipe ainsi que les phases de la sexualité chez l’enfant sont théorisés dans cette période faste. Avec les publications successives de "De l’interprétation des rêves" et de "Trois théories sur la sexualité", Freud met ainsi au point une véritable théorie qui lui vaut beaucoup de critiques parmi les médecins, mais qui aboutit aussi à une véritable école où l’on retrouve notamment Alfred Adler et Carl principaux conceptsSelon Freud, notre comportement est le résultat d’une équation savamment orchestrée entre trois instances distinctes Le Ça il s’agit de manifestations somatiques agressives, sexuelles ; aspect instinctif et animal. Si le Ça est inaccessible à la conscience, les symptômes de maladie psychique et les rêves permettent d’en avoir un aperçu. Le Ça obéit au principe de plaisir et recherche la satisfaction immédiate, c’est une sorte de marmite où bouillonnent tous nos désirs Moi il est en grande partie conscient, c'est le reflet de ce que nous sommes en société. Il cherche à éviter les tensions trop fortes du monde extérieur, à éviter les souffrances grâce notamment aux mécanismes de défense se trouvant dans la partie inconsciente de cette instance. Le Moi est l’entité qui rend la vie sociale possible. Il suit le principe de Surmoi il se constitue par différenciation du Moi. C’est une modification du Moi par intériorisation des forces répressives que l’individu a rencontré au cours de son développement. En cas de conflit avec le Moi, son activité se manifeste par le développement des émotions qui se rattachent à la conscience morale, principalement la culpabilité. Dans certaines névroses, ce sentiment peut rendre la vie intolérable. Le Surmoi se forme, entre autres, par l’identification de l’enfant aux parents idéalisés, normalement au parent du même thérories sur la sexualité infantileC'est en psychanalysant des malades adultes que Freud a découvert des événements traumatisants ou des difficultés relationnelles survenues lors des premières années de leur vie. Selon lui, toute la genèse de la personnalité s'explique en fonction du développement de la pulsion sexuelle, ou libido. Il fit scandale en son temps lorsqu'il parla de "sexualité infantile", dont voici les différents stades Le stade oral de la naissance à 12-18 mois, la zone érogène privilégiée du bébé est la bouche, notamment à travers l'action de l'allaitement. Il prend plaisir à téter le sein de sa mère. C'est le plaisir de manger et d'être stade anal l'enfant se focalise entre 18 mois et 3-4 ans sur la région rectale, le plaisir est généré par le fait de retenir les matières fécales rétention ou de les expulser défécation. C'est aussi à ce moment que l'enfant entre en opposition constante, ce qui a parfois donné à ce stade le nom de stade stade phallique Pour Freud, la structure de notre personnalité se crée par rapport au complexe d’Œdipe et à la fonction paternelle. Le complexe d’Œdipe intervient au moment du stade phallique. Cette période se termine par l’association de la recherche du plaisir à une personne extérieure, la mère. Le père devient alors rival et l’enfant craint d’être puni de son désir de la mère, par la castration par le père. L’enfant refoule donc ses désirs et alimente son Surmoi avec le concept de culpabilité et de pudeur entre travail sur les rêvesPour Freud, son travail sur les rêves est le plus important de tous. Ce sont des représentations de désirs refoulés dans l’inconscient par la censure interne le Surmoi. Les désirs se manifestent dans le rêve de manière moins réprimée qu'à l'état de veille. Le contenu manifeste du rêve est le résultat d'un travail intrapsychique qui vise à masquer le contenu latent, par exemple un désir oedipien. En cure de psychanalyse, le travail repose sur l'interprétation à partir du récit du rêve. Les associations du patient sur son rêve permettent de révéler son contenu travail du rêve repose sur quatre procédés Le rêve est condensé, car en une seule représentation seront concentrées plusieurs idées, plusieurs images, parfois des désirs rêve est décentré, le désir déformé sera fixé sur un autre objet que celui qu'il vise, ou sur de multiples objets jusqu'à l'éparpillement. Il y a un déplacement de l'accent rêve est une illustration du désir en ce qu'il ne l'exprime ni en mots ni en actes, mais en images. Ici joue le symbole la représentation substitutive de l'objet et du but du désir est parfois typique et d'usage le rêve est aussi le produit d'une activité également inconsciente, mais s'efforce de lui donner une apparence de vraisemblance, d'organisation, de logique interne. C'est l'élaboration principaux ouvragesLes principaux ouvrages de Freud qui ont marqué leur temps - Cinq leçons sur la psychanalyse 1904, par Sigmund Freud, Yves Le Lay, et Serge Jankélévitch - Payot 9 juin 2004.-Trois essais sur la théorie sexuelle 1905, par Sigmund Freud - Gallimard 28 septembre 1989.- Névrose, psychose et perversion, par Sigmund Freud - Presses Universitaires de France PUF, 12e éd 1 août 1999.- Sur le rêve, par Sigmund Feud - Gallimard 24 octobre 1990. -La naissance de la psychanalyse, par Sigmund Freud - Presses Universitaires de France PUF, janvier 1991. Messageplus détaillé par rapport à la problématique du père absent. Réalisée par Paola5566 · 18 août 2022 Aide psychologique. Partagez-la. De parents divorcés, mon père a coupé les ponts avec moi (nos communications étaient exclusivement téléphoniques car nous n'habitons pas le même pays et nous ne nous voyons jamais-je l'ai vu
La solution à ce puzzle est constituéè de 8 lettres et commence par la lettre F CodyCross Solution ✅ pour EN RAPPORT AVEC LE PÈRE DE LA PSYCHANALYSE de mots fléchés et mots croisés. Découvrez les bonnes réponses, synonymes et autres types d'aide pour résoudre chaque puzzle Voici Les Solutions de CodyCross pour "EN RAPPORT AVEC LE PÈRE DE LA PSYCHANALYSE" CodyCross Planete Terre Groupe 20 Grille 4 1 0 Partagez cette question et demandez de l'aide à vos amis! Recommander une réponse ? Connaissez-vous la réponse? profiter de l'occasion pour donner votre contribution! CODYCROSS Planete Terre Solution 20 Groupe 4 Similaires
SigmundFreud le père de la psychanalyse. Sigmund Freud le père de la psychanalyse, d’après l’exposition du musée d’art et d’histoire du judaïsme. Sa formation à Vienne, sa venue à Paris, et sa carrière en Autriche sont au cœur de notre réflexion. C’est avec lui que la neurologie fera des progrès extraordinaires. Mots Croisés > Questions > Définition EN RAPPORT AVEC LE PERE DE LA PSYCHANALYSE Entrez la longueur et les lettres Nouvelle proposition de solution pour "EN RAPPORT AVEC LE PERE DE LA PSYCHANALYSE" Pas de bonne réponse ? Ici vous pouvez proposer une autre solution. 5 + 7 Veuillez vérifier à nouveau vos entrées 1solution pour : EN RAPPORT AVEC LE PERE DE LA PSYCHANALYSE - mots fléchés et mots croisés Sujets similaires Père de la psychanalyse (100%) Désir de psychanalyste (60.09%) Père (42.08%) Pour un père (42.08%) Du père (42.08%) Rapport (39.46%) Qui rapporte (39.46%) Rapporte (39.46%) Rapportée (39.46%) Purée de purée (34.59%)
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Lepère, plus clément, de la Horde primitive n'en est pas récompensé pour autant, puisqu'il fait les frais d'un indigeste banquet. Parlant de "Totem et Tabou", il faudrait aussi mentionner "Moïse et le monothéisme", et rappeler l'article de J.M. Gauthier : "Du Totem au Moïse, Freud entre pair et patriarche". L'auteur y relève les difficultés et l'ambivalence de Freud à
A LA UNE LE REVE DE FREUD? REDONNER DU SENS A LA VIE En inventant la psychanalyse, il allait bouleverser la pensée d'aujourd'hui La voie royale de l'inconscient Révolte oedipienne contre barbarie moderne Survol des diverses thérapies psychanalytiques L'avis d'un comportementaliste L'avis d'une psychanalyste Les étapes du génie 19, Berggasse. Fin et début du voyage Article réservé aux abonnés Publié le 20/11/1999 à 0000 Temps de lecture 19 min À LA UNE LE RÊVE DE FREUD? REDONNER DU SENS À LA VIE En inventant la psychanalyse, il allait bouleverser la pensée d'aujourd'hui L'inconscient a 100ans! Du moins, il y cent ans qu'un certain Sigmund Freud a révélé cette part enfouie de nous-mêmes qui tout au plus signalait sa présence derrière des déchets psychiques», comme on disait alors, les lapsus, les mots d'esprit, les actes manqués, les rêves. Et c'est précisément en publiant, le 4 novembre 1899, son Traumdeutung», son interprétation des rêves, que Freud allait ouvrir une voie royale à cette lecture intime de l'homme, à cette mémoire de l'ombre abritant nos désirs, nos peurs, nos blessures. Notre élan de a beau être un génie, sa découverte n'a pas germé par l'opération du Saint-Esprit. Elle naît dans le creuset de son histoire personnelle, celle du petit Juif raillé par une Vienne antisémite, celle du scientifique pur et dur partant à la conquête d'une reconnaissance universelle avec la détermination d'un Hannibal fonçant sur Rome. Cet article est réservé aux abonnés Avec cette offre, profitez de L’accès illimité à tous les articles, dossiers et reportages de la rédaction Le journal en version numérique Un confort de lecture avec publicité limitée Pourcela, vous ne disposez que des définitions de chaque mot. Certaines lettres peuvent parfois être présentes pour le mot à deviner. Sur Astuces-Jeux, nous vous proposons de découvrir la solution complète de Codycross. Voici le mot à trouver pour la définition "En rapport avec le père de la psychanalyse" (groupe 20 – grille n°4) :

Abstract Index Outline Author's notes Text Bibliography Notes References About the author Abstracts Il s’agit de tirer quelques enseignements de la discussion relativement oubliée, entre Claude Lévi-Strauss et Jacques Lacan. Le problème porte essentiellement autour de la définition de la notion du symbolique pour les deux auteurs puisque cette notion est toujours paradigmatique dans les deux disciplines, que sont l’anthropologie et la psychanalyse, sans pour autant être véritablement équivalente. Il s’agit d’éclairer ces rapports disciplinaires, tant au niveau épistémologique qu’au niveau historique, notamment à partir des données de la clinique psychanalytique, comparables, dans une certaine mesure, aux problèmes relatifs au terrain ethnographique. Car au delà de leurs différences, la psychanalyse et l’anthropologie, n’ont‑elles pas en partage le paradigme symbolique contre le réductionnisme naturaliste ou cognitivo‑comportemental qui prétend aujourd’hui monopoliser l’espace de la légitimité épistémique ? This article aims to draw some lessons from a relatively forgotten discussion between Claude Lévi-Strauss and Jacques Lacan. The problem is essentially that of the definition of the symbolic order symbolique. Indeed, this notion is always paradigmatic in their respective disciplines, without really being equivalent. Beyond their differences, do not psychoanalysis and anthropology share the symbolic paradigm against a naturalist or cognitive-behavioural reductionism that claims nowadays to monopolize the space of epistemic legitimacy? The article aims to clarify these disciplinary relations, on the epistemic level well as on the historical level, in particular using data from psychoanalytical psychiatry, which are partly comparable to problems relating to ethnographic fieldwork. Top of page Author's notes Je remercie chaleureusement Rémi Bordes, sans qui, le présent article n’aurait pas pu voir le jour, ni même être écrit. Ce dernier s’inscrit dans l’ouvrage collectif qu’il a dirigé, Dire les maux 2008. Full text J’ai posé la question suivante – le fonctionnement de la Pensée sauvage, mis par Lévi‑Strauss à la base des statuts de la société, est un inconscient, mais suffit‑il à loger l’inconscient comme tel ? Et s’il y parvient, loge‑t‑il l’inconscient freudien ? Lacan, 1990 [1964] 1 Nous entendons le terme de symbolique, ou de paradigme symbolique », au sens général où il s’op ... 1On a souvent tendance à oublier qu’à cette charnière du XIXe et du XXe siècle qui voit l’avènement de nos sciences humaines actuelles, il était alors question plutôt de sciences de l’homme » et non pas de sciences humaines ». Le glissement sémantique, on le sait, a toute son importance puisqu’il signe un changement de paradigme celui d’une anthropologie biologique à une anthropologie qui s’intéresse à la dimension symbolique1. 2 D’après ces doctrines, le trouble psychique était dû à processus neuro‑dégénératif. 3 Il faut rappeler que Durkheim, fondateur de la sociologie, tout comme Ribot, fondateur de la psyc ... 2Or historiquement, la psychanalyse occupe une place assez singulière parmi les autres sciences humaines » elle se tient, pourrait‑on dire, sur le front » d’un champ de bataille par lequel celles‑ci se détachèrent du paradigme naturaliste. En effet, à l’époque de Freud, le monopole de la légitimité psychiatrique était détenu par une clinique biomédicale dominée par la doctrine de la dégénérescence de Kraepelin, la psychophysiologie et le scientisme en général2. Là où par définition, l’on n’avait affaire qu’à des corps‑objets » ou à des comportements, la psychanalyse va s’occuper de la parole du sujet » et introduire la dimension du symbolique. Dès son apparition, cette discipline eut certainement, plus que toute autre de ses consœurs, à croiser le fer avec les conceptions naturalistes ou scientistes qui constituaient par définition l’horizon épistémologique, où pourtant elle entendait se déployer – rappelons que Freud, contrairement à la plupart des fondateurs des sciences humaines, n’était pas philosophe3, mais médecin, et il en fut de même pour Lacan. À cet égard, l’avènement de l’anthropologie culturelle relève davantage d’une coupure épistémologique et institutionnelle que du combat de rue » que dût mener dans son domaine la psychanalyse, et qu’elle doit mener encore à l’heure actuelle pour exister elle est d’abord et toujours une immixtion dans le terrain de la psychiatrie biomédicale, elle est aussi un geste critique contre tout réductionnisme scientifique, fût‑il aujourd’hui comportemental ou cognitiviste. C’est à partir de cette idée selon laquelle il existe une certaine exemplarité épistémologique de sa situation que nous souhaitons commencer notre investigation. 3En effet, si l’on admet que la psychanalyse, plus que toute autre discipline, eut à s’affronter aux réductionnismes et aux scientismes de toutes sortes et que c’est sa condition même, l’élucidation de cette situation, tout en jetant quelques lumières sur la nature de son paradigme symbolique », ne pourrait‑elle pas, par la même occasion, jeter aussi quelques lumières sur le paradigme symbolique » anthropologique ? Car s’il est vrai que le symbolique » du psychanalyste n’est pas exactement la même chose que le symbolique » de l’anthropologue, et que se marque par là une grande partie de leurs différences disciplinaires que tous deux défendent bien souvent becs et ongles », il n’en demeure pas moins que tous deux reconnaissent à cette catégorie une valeur épistémologique fondamentale, ne serait‑ce, a minima, que pour se distinguer des perspectives naturalistes, biomédicales et scientistes. Donc, qu’en est‑il de cette notion de symbolique » que manipule aussi bien l’anthropologue que le psychanalyste ? Il semble important de revenir aux fondements de ce paradigme, dans la mesure où il est ce qui les rassemble, d’un certain point de vue, en une même communauté scientifique ». 4 La citation complète mérite l’attention pour donner un aperçu de son propos Il n’y a pas d’au ... 5 Sur ces questions on se reportera à l’excellente critique de Bernard Juillerat 2001 9-38 conc ... 6 C’est notamment le cas du très médiatisé Livre noir de la psychanalyse où les auteurs, après avoi ... 7 Comment ne pas voir que les récents débats autour de l’efficacité thérapeutique de la psychanalys ... 4Enfin, last but not least, ce questionnement épistémologique fondamental, au‑delà de son intérêt spécifique, paraît d’autant plus pertinent qu’on assiste aujourd’hui précisément à ce qu’il faut bien appeler une renaissance du scientisme. Si les sciences humaines purent s’en défaire au cours de la première moitié du XXe siècle comme nous l’avons évoqué, force est de constater qu’il est de nouveau de mode dans toutes les disciplines. On le trouve aussi bien à l’œuvre dans l’anthropologie cognitiviste, telle celle que Dan Sperber développe depuis les années 90 Sperber, 1987, 1996, et selon laquelle il n’y a pas d’exception aux lois de la physique » puisque dans le social, on est confronté au même matériel »4 de telles déclarations laissent songeur…5, qu’en psychologie, où se développe l’approche cognitivo‑comportementaliste. Par exemple, pour Varela ou Dortier, l’inconscient ne peut être que cognitif, c’est‑à‑dire confondu avec les automatismes mentaux » Dortier, 1999 ; Varela, Thompson & Rosch, 1999. Il est évident que ces courants relèvent d’un phénomène répandu. Il s’agit explicitement d’éradiquer la psychanalyse du champ de la légitimité épistémologique et clinique6, tout comme l’anthropologie cognitive cherche à arraisonner l’anthropologie culturelle et symbolique. Et n’est‑ce pas ce que fait aussi la biomédecine lorsque, contre l’anthropologie médicale, elle prétend garder le monopole de la légitimité thérapeutique ? Ce sont les mêmes tendances que l’on constate dans le champ psy » et dans le champ anthropologique7. Les interrogations épistémologiques que nous tenterons de soulever sont donc d’autant plus d’actualité que tous ces nouveaux » courants partagent un certain idéal de science avec les sciences naturelles, duquel nos disciplines se distinguent. Ce questionnement sur le paradigme symbolique s’inscrit dans une certaine urgence par rapport à un contexte théorique et politique dont on comprendra que l’on ne pouvait le passer sous silence. 8 C’est le cas d’une lecture qui semble devenir fréquente et qui, même si elle est incontestablemen ... 9 En effet, les rapports de Lacan à Lévi‑Strauss ont déjà été remarquablement explorés mais de mani ... 5Il se trouve que la définition de cette fonction symbolique » fut discutée par deux des figures les plus illustres de l’anthropologie et de la psychanalyse Lacan et Lévi‑Strauss. On a généralement coutume d’associer ces deux œuvres sous la houlette du paradigme structuraliste8 ainsi certaines divergences pourtant essentielles, qui tiennent à une certaine vision du langage, des mots et de leur rapport à la vérité, ne sont pas explorées9. C’est la raison pour laquelle nous reprendrons certains aspects méconnus de la discussion disciplinaire qui eut lieu entre Lacan et Lévi‑Strauss, autour de la définition de cette fonction symbolique ». Précisons d’emblée qu’il ne s’agit évidemment pas de réduire l’anthropologie à Lévi‑Strauss, ni la psychanalyse à Lacan il s’agit simplement de reprendre un débat dont certains aspects semblent relativement oubliés, alors qu’ils sont néanmoins sans doute des plus fructueux et des plus propices pour tenter d’éclairer certains problèmes épistémologiques fondamentaux dans nos disciplines, et notamment celle de leur scientificité. 10 On ne présentera pas ici l’ensemble des recherches d’anthropologie psychanalytique qui furent men ... 6Les rapports de l’anthropologie et de la psychanalyse, on le sait, furent houleux, parfois féconds10. Malheureusement, ils furent le plus souvent de part et d’autres marqués par le sceau du soupçon. Pourtant, on ne peut nier une certaine similarité entre les deux démarches la situation ethnographique vise à explorer les contextes qui permettent de rendre intelligibles les savoirs et les pratiques d’un groupe social ; l’approche analytique opère, en quelque sorte, de la même manière par rapport au sujet car qu’est‑ce donc que la clinique sinon son terrain » ? 11 Depuis L’oedipe africain d’Ortigues 1966 la psychanalyse inspirée de Lacan n’a pas exprimé gran ... 7Une des récentes tentatives pour fonder une nouvelle anthropologie psychanalytique » a proposé un socle épistémologique à partir duquel il s’agissait de définir la pertinence d’un croisement des deux disciplines Bidou, 2001 ; Juillerat, 2001 ; Galinier, 1997. Mais tout en reconnaissant le mérite évident de ce projet, on remarque que cette initiative émane d’abord d’anthropologues qui s’intéressent à la psychanalyse, et non l’inverse. C’est ainsi que leur point de vue n’est pas d’abord clinique, ce que l’on ne saurait évidemment leur reprocher. De plus, la référence à Lacan est relativement peu exploitée11. Or, sans pour autant succomber au lacano‑centrisme », nous voudrions montrer ici que, dans la clinique telle que l’élabora Lacan, résident des enjeux épistémologiques cruciaux et assez irréductibles concernant la nature du symbolique ». Loin de pouvoir être rapportés à l’épistémologie de Lévi‑Strauss, ces deniers ne sont pas sans rappeler les questionnements réflexifs relatifs à l’obtention des données de terrain soulevées par les anthropologues contemporains. 12 On pense ici notamment à l’ouvrage de Favret‑Saada qui fit date, Les mots, la mort, les sorts l ... 8En effet, pour érudits qu’il furent, les anthropologues fondateurs, étaient avant tout des anthropologues de cabinet » ils compilaient les données collectées par d’autres, à partir desquelles ils échafaudaient leurs théories. Or cette posture méthodologique » ne fut pas sans effet, et c’est peut‑être l’anthropologie contemporaine ou plus particulièrement celle que l’on appelle postmoderne – Favret-Saada, 197712 qui démasqua le plus brillamment les illusions de l’ancienne méthode en exhibant les questions problématiques du terrain ethnographiques. Non seulement les catégories sociales classiques ne sont pas légitimes puisqu’elles tendent à réifier les agents sociaux, mais de surcroît ces derniers s’avèrent aussi être des acteurs capables de stratégies et impliqués dans des jeux de langage dans lequel l’ethnologue, lui‑même, se trouve pris. Or, on peut avancer qu’à l’instar du terrain ethnographique tel qu’il se pratique aujourd’hui, la possibilité de toute clinique repose précisément sur de semblables jeux de langage et sur la place qu’y prennent le sujet et son analyste. On pourrait dire que, en quelque sorte, c’est ce que Lacan explorera notamment sous le thème de l’éthique de la psychanalyse ». Mais ce questionnement n’était-il pas inéluctable à partir du moment où le père fondateur de la psychanalyse, invente sa discipline précisément au contact de son terrain », la clinique de l’hystérie Freud, 1895 ? 13 Mieux encore, comme on le sait, elle‑même en dépend la production des faits de laboratoire s’in ... 9De ce dernier point de vue, on ne peut nier que l’approche biomédicale comme l’approche cognitivo‑comportementale du sujet semblent bien éloignées de cette commune perspective d’une part, elles ne permettent pas de rendre compte de la complexité élaborée par les acteurs sociaux, complexité qui s’inscrit d’abord dans des faits de langage, de langue et de parole13; d’autre part, elles nient leur place subjective. Ces approches se révèlent en cela dépositaires d’une conception épistémologique dangereusement naïve, dont on verra que la conception de la fonction symbolique de Lévi‑Strauss n’est pas exempte. En d’autres termes, là où Lévi‑Strauss échoue comme le montra la critique postmoderne, Lacan reste d’actualité. 10Nous rappellerons d’abord les enseignements de l’expérience clinique psychanalytique sur la question de la parole du sujet. Puis nous aborderons la conception du symbolique chez Lévi‑Strauss que nous comparerons avec celle de Lacan. Enfin, nous essaierons de dégager quelques perspectives à partir des avancés proposées par l’anthropologie postmoderne et leurs implications pour la psychanalyse dans un ultime renversement si la psychanalyse traque les illusions, ne peut‑on pas voir, en regard de certaines recherches contemporaines, qu’elle n’en n’est pas elle‑même exempte ? La parole du sujet 14 Comme nous le verrons Lacan développe un certain rapport de la psychanalyse à la science. Il ne s ... 11Il y a une chose de laquelle le psychanalyste ne saurait se détourner sans se renier lui‑même la clinique. C’est certainement un curieux paradoxe, comme nous l’avons indiqué en préambule, que la clinique psychanalytique ait pu apparaître, puis fleurir », sur la terre aride d’une psychiatrie exclusivement biomédicale. Si le scientisme imposait au médecin cet étonnant mépris de la réalité psychique […], c’est aussi d’un médecin que devait venir la négation du point de vue lui-même »14 en tant qu’il est le praticien par excellence de la vie intime » Lacan, 1966b. C’est Freud, qui fit ce pas fécond sans doute parce qu’ainsi qu’il en témoigne dans son autobiographie, il y fut déterminé par son souci de guérir […] » idem. 12Aussi, à l’instar des autres sciences humaines, la psychanalyse se détache du paradigme anthropologique naturaliste de l’époque pour des raisons singulières il s’agit des exigences cliniques. Freud prend au sérieux la plainte de ses patientes, et paradoxalement ce sont elles qui vont l’enseigner. L’évanouissement de ses patientes ne relève pas d’une causalité organique, il s’agit en quelque sorte d’une maladie par représentation » Laplanche & Pontalis, 1967 qui se caractérise par le mécanisme de conversion » Freud, 1894 […] ce qui spécifie les symptômes de la conversion, c’est leur signification symbolique ils expriment par le corps, des représentations refoulées » Laplanche & Pontalis, op. cit.. 13C’est ainsi qu’après l’hypnose et l’enjeu cathartique de la cure, afin de s’écarter de la suggestion, c’est la talking cure qui s’impose. Seule la parole témoigne de la réalité psychique de l’hystérique. Ainsi, il va leur rendre la dignité de sujet de laquelle elles étaient généralement déchues dans ces lieux en les écoutant. 15 Cette affirmation mériterait bien entendu de plus longs développements, que nous n’avons pas les ... 16 C’est‑à‑dire au sens où l’on parle d’une science physique. 14Cette attention au sujet est le réquisit clinique de la psychanalyse. L’introduction de la dimension symbolique en tant que causalité irréductible à une causalité organique au sein de l’institution asilaire passe par la figure du psychanalyste, et plus tard du psychologue. C’est là, en quelque sorte, un humanisme le psychanalyste est un humaniste à l’hôpital, ce qui est une véritable révolution copernicienne dans le champ des pratiques asilaires15. Ainsi, si l’écoute psychanalytique ne se fait pas au hasard, elle ne relève pas de la science au sens moderne du terme16. Elle semble même revêtir certains aspects anti-méthodiques Nous ne devons attacher d’importance particulière à rien de ce que nous entendons et il convient que nous prêtions à tout la même attention "flottante", suivant l’expression que j’ai adopté. On économise ainsi un effort d’attention… et on échappe ainsi au danger inséparable de toute attention voulue, celui de choisir parmi les matériaux fournis. C’est en effet ce qui arrive quand on fixe à dessein son attention l’analyste grave en sa mémoire tel point qui le frappe en élimine tel autre, et ce choix est déterminé par des expectatives et des tendances. C’est justement ce qu’il faut éviter ; en conformant son choix à son expectative, l’on court le risque de ne trouver que ce que l’on savait d’avance. En obéissant à ses propres inclinations, le praticien falsifie tout ce qui lui est offert » Freud, 1999. 15En d’autres termes, cette méthode particulière d’écoute place la psychanalyse dans un rapport au savoir et à la science qui est inédit. En effet, le médecin doit faire fi de son savoir pour s’ouvrir à la singularité du sujet, à sa vérité, et dans cette quête, la parole seule est son allié. Le thérapeute n’est pas l’heureux bénéficiaire d’une science qui correspondrait au réel de la souffrance qui se présente à lui et qu’il conviendrait, suivant certains arrangements, d’ajuster ici et là, en fonction de la particularité d’un sujet. À l’instar d’un certain nombre de philosophies classiques du doute de Descartes, à l’épochè d’Husserl, le geste de l’analyste est celui de la suspension du savoir admis. Celui‑ci, pour entendre et bien entendre c’est‑à‑dire écouter, doit oublier son savoir, en faire table rase. Loin d’incarner le maître des significations qui trônerait en majesté du haut de son savoir, loin d’être le dépositaire d’un sens qui pourrait se résoudre dans une économie enfin réalisée, il est, lui aussi, partie de cet espace qui s’inaugure dans la séance. Le psychanalyste ne peut, tel Ulysse attaché à son mât, jouir du spectacle des sirènes sans risques et sans en accepter les conséquences » Blanchot cité par Barthes, 1995b. L’espace analytique n’appartient pas en propre à l’analyste mais le dépasse dans un je‑ne‑sais‑quoi » mais c’est dans cette irréductibilité que la guérison pourra trouver ses voies à venir. Le savoir ne résout pas la clinique, la pratique lui échappe inlassablement. Ainsi, si le savoir psychanalytique possède quelque consistance, il la trouve parce qu’il est ouvert sur une pratique qui le met toujours en demeure. 16C’est la raison pour laquelle l’association libre implique de tout dire » selon une loi de non‑omission dans la mesure où tout élément peut être porteur de signification loi de non systématisation. On ne peut nier que les règles de cette écoute vont à l’encontre de l’idéal de science. Guérir par les mots, c’est une activité par où […] il faut reconnaître l’intelligence même de la réalité humaine, en tant qu’elle s’applique à la transformer » Lacan, 1966b. Le psychanalyste cherche à apprendre et à faire apprendre au sujet à reconnaître son histoire. Il s’agit, ni plus ni moins d’ […] aider le sujet à parfaire l’historisation actuelle des faits qui ont déterminé déjà dans son existence un certain nombre de tournants historiques. Mais s’ils ont eu ce rôle, c’est déjà en tant que faits d’histoire, c’est‑à‑dire en tant que faits reconnus dans un certain sens ou censurés dans un certain ordre » Lacan, 1966a. Ainsi, l’écoute psychanalytique suppose que le psychanalyste sache entendre ce que le discours du patient veut dire un silence peut devenir signifiant, le récit d’une histoire quotidienne peut être pris pour un apologue et un lapsus peut être la marque d’un désir. On parlera de la ponctuation » heureuse du psychanalyste qui vient faire signe au discours du patient afin de porter à sa conscience les nœuds par lesquels il se trouve coincé ». La raison en est que l’inconscient est le chapitre censuré de l’histoire du sujet. Ainsi l’anamnèse psychanalytique, les conjectures sur le passé du patient n’ont d’autre but que de libérer l’avenir, de dénouer la souffrance l’effet d’une parole pleine est de réordonner les contingences passées en leur donnant le sens des nécessités à venir, telles que le constitue le lieu par où le sujet les fait présentes » ibid..C’est là tout le propos de la psychanalyse reconstruire l’histoire du sujet dans sa parole. Car ni le désir, ni l’histoire ne sont déterminés par la nature. Les péripéties de la subjectivité ne sont que des stigmates historiques et jamais des stades instinctuels. Dans cette hôtellerie du signifiant » l’écoute du psychanalyste aboutit à une reconnaissance celle du désir de l’autre Barthes, 1995a. 17On voit bien que l’espace analytique est irréductible au savoir qui pourtant a permis de l’ouvrir. C’est sous le signe de la singularité que se joue la thérapie, et c’est sous ce signe étrange, qui traverse dans son entier le corps de l’espace analytique, que le thérapeute lui‑même se trouve. On pourrait même dire, non sans quelque provocation, que lui et son patient s’y trouvent de ce point de vue logés à la même enseigne. 18Ainsi, […] l’expérience analytique n’est pas décisivement objectivable. Elle implique toujours au sein d’elle‑même l’émergence d’une vérité qui ne peut être dite, puisque ce qui la constitue c’est la parole, et qu’il faudrait en quelque sorte dire la parole elle-même, ce qui est à proprement parler ce qui ne peut pas être dit en tant que parole » Lacan, 1953. Il y a donc une disjonction entre le savoir scientifique » et la vérité de la parole », qui est au cœur de la clinique psychanalytique et qui se trouve posée comme condition de son avènement. 19Évidemment, une telle présentation de la psychanalyse éloigne grandement celle‑ci de l’anthropologie classique. La psychanalyse s’occupe de la singularité du sujet, dans un savoir dont la formalisation scientifique semble bien dès lors s’avérer impossible, alors que l’anthropologie s’occupe des représentations collectives, dont elle prétend être à même de rendre compte, voire de formaliser. Dès lors, si la psychanalyse ne relève pas du savoir de la science, on comprend qu’elle puisse être conçue par l’anthropologie comme une pratique qui relève d’une simple efficacité symbolique », au même titre que de nombreuses autres institutions humaines que l’anthropologue est amené à décrire. Nous commençons par là à entrer dans le cœur de ce que nous appellerons volontairement la polémique » de Lacan et de Lévi‑Strauss. En choisissant un tel terme, il s’agit de se démarquer de l’idée selon laquelle ces deux auteurs seraient en accord ou que l’on pourrait ramener l’un à l’autre. À mettre trop l’accent sur un certain structuralisme théorique qu’ils partagèrent un temps, on oublie qu’ailleurs se jouaient certaines différences essentielles qui allaient marquer le destin des disciplines. Le chaman et le psychanalyste anthropologie de la psychanalyse 17 Au‑delà de leurs différences, ces deux auteurs plutôt tenus à l’écart du débat aujourd’hui post ... 20La référence est connue. Lévi‑Strauss fait une comparaison du chaman avec le psychanalyste en 1949 dans un article intitulé L’efficacité symbolique », qu’il dédie à Ferdinand de Saussure 1949a. Confronté à la mystérieuse efficacité de la cure chamanique, l’anthropologue développe une explication intellectualiste, s’écartant des approches anthropologiques classiques de la magie des années trente Lévy‑Bruhl, 1922 ; De Martino, 199917. 21La cure opérée par le chaman consiste, selon Lévi‑Strauss, à rendre pensable » et acceptable » une situation insupportable pour le patient qui souffre » dans son corps. L’intervention du chaman va consister à intervenir de telle sorte à résoudre le conflit. Pour Lévi‑Strauss, le chaman est une sorte de médiateur entre le réel d’un corps qui souffre et le désarroi psychique du malade. Il s’agit pour lui, par le truchement de son discours mythologique, de donner une forme narrative à la maladie réelle. Que la mythologie du chaman ne corresponde pas à une réalité objective ne compte pas, rajoute Lévi‑Strauss ce qui compte, c’est que le malade et la communauté y croient. 22Alors que dans la biomédecine, l’explication faite au patient de la cause de son désordre, recourant à des éléments extérieurs comme les sécrétions et les microbes, induit peu d’effets sur sa guérison, le discours mythologique du chaman qui désigne monstres et esprits malfaisants comme cause de la maladie, lui, guérit. Étrange paradoxe, commente Lévi‑Strauss, dont la raison tient à ce que dans un cas les relations de cause à effet sont extérieures à l’esprit du patient, tandis que dans l’autre les relations de cause à effet sont internes à l’esprit. Le chaman fournit à sa patiente un langage qui permet de symboliser la souffrance. Alors que celle‑ci était inexplicable, qu’elle venait perturber l’ordre naturel, l’intervention du chaman consiste à la réinscrire dans l’ordre symbolique. Le chaman, par l’expression verbale et l’expérience que permet son intervention, procède ni plus ni moins à une réorganisation symbolique qui a pour issue un déblocage du processus physiologique. 18 Le concept d’abréaction se trouve essentiellement valorisé dans les premières élaborations théori ... 23Ces considérations sur l’efficacité symbolique de la cure chamanique amènent Lévi‑Strauss à la comparer aux ressorts de la technique psychanalytique freudienne. En effet, ne se propose t‑on pas dans les deux cas d’amener à la conscience des conflits et des résistances restés jusque-là inconscients ? Dans les deux cas, la résolution des conflits ne se fait pas en raison de la connaissance de la cause objective de la maladie, mais bien grâce à une expérience au cours de laquelle les événements se réalisent dans un ordre et sur un plan qui permettent leur libre déroulement et conduisent à leur dénouement ». Cette expérience vécue en psychanalyse, poursuit Lévi‑Strauss, s’appelle abréaction »18. Le psychanalyste intervient de manière non provoquée » par l’intermédiaire du transfert dans les conflits du malade. Il peut dès lors expliciter une situation restée informulée. Au‑delà de leurs différences que Lévi‑Strauss ne nie pas dans un premier temps le chaman est un orateur », tandis que le psychanalyste est un auditeur » d’après lui, et que, d’autre part, le névrosé liquide un mythe individuel » lorsque l’indigène se réinscrit dans une mythologie collective », nous retrouvons donc dans la figure du psychanalyste le même opérateur que dans celle du chaman. Tous deux agissent en raison du ressort de l’efficacité de la fonction symbolique. Mais comment rendre compte de l’harmonie du parallélisme entre mythe et opérations réelles ? Comment expliquer que la narration mythologique puisse agir dans la réalité objective ? 24Pour répondre à cela, Lévi‑Strauss fait l’hypothèse d’un isomorphisme anthropologique l’efficacité symbolique consisterait précisément dans cette propriété inductrice que posséderait les unes par rapports aux autres, des structures formellement homologues pouvant s’édifier, avec des matériaux différents, aux différents étages du vivant processus organique, psychisme inconscient, pensée réfléchie. La métaphore poétique fournit un exemple familier de ce procédé inducteur » 25Lévi-Strauss ose là une certaine audace épistémologique, en évoquant un tel procédé inducteur ne pourrait‑on pas parler à cet égard de mythopoièsis » au sens où en un certain point la nature les processus organiques rejoint les déterminismes symboliques de la culture ? Évoquant la théorie linguistique du rapport de signifiant au signifié pour rendre compte de la relation de l’efficacité symbolique comme relation de symbole à chose symbolisé », la question porte peut‑être ici sur le statut du signifié chez Lévi‑Strauss. Lévi‑Strauss ne suppose t-il pas en effet dans une certaine mesure la possibilité d’un signifié de la nature » ? Pour sa part, si la psychanalyse ne récuse pas la métaphore poétique, la question se pose de sa détermination ou de son extension. 26Très tôt, Lacan va préciser sa position sur cette question du déterminisme symbolique tout d’abord, comme nous allons le voir, en complexifiant le symbolique promut par Lévi‑Strauss en introduisant sa catégorie de l’imaginaire, espace irréductible du sujet ; puis en développant la question du symbolique comme relevant exclusivement du langage, de la parole, ou du signifiant. C’est ainsi qu’il coupera court à la causalité biologique là où l’on va voir que Lévi‑Strauss penche sérieusement en la faveur des processus organiques ». Nous allons suivre pas à pas l’émergence de ce désaccord. La réponse » de Lacan parole du sujet et langage de la science en psychanalyse 27Dès Le stade du miroir… » de 1949, Lacan introduit la notion d’efficacité symbolique » de Lévi‑Strauss. Mais il commence déjà à la déformer ». S’agit‑il par là pour Lacan de résister à la tentation naturaliste de Lévi‑Strauss ? Toujours est‑il qu’il complexifie le problème en introduisant une nouvelle dimension la dimension imaginaire » qui a rapport à la relation narcissique ou à l’origine imaginaire du moi il s’agit du fameux stade du miroir ». On remarquera que cette notion d’ imaginaire » n’exclut pas la dimension du symbolique » mais s’y articule. On peut dire que la notion d’imaginaire permet à Lacan de déplacer le problème quant à la nature de la dimension symbolique, tout en spécifiant le levier opératoire de la psychanalyse. Il y a pour lui une fonction inaugurale de l’image spéculaire chez l’homme qui spécifie son rapport à la nature » et du même coup l’en éloigne radicalement. Lacan répond donc indirectement à l’hypothèse de l’isomorphisme de manière tranchée À ce point de jonction de la nature et la culture que l’anthropologie de nos jours scrute obstinément, seule la psychanalyse reconnaît ce nœud de servitude imaginaire que l’amour doit toujours redéfaire ou trancher » Lacan, 1966d. 19 » Pour les imagos, en effet, dont c’est notre privilège que de voir se profiler, dans notre expér ... 28La relation de l’homme à la nature est d’abord marquée par une discontinuité. Il s’agit d’une discorde primordiale » dont la psychanalyse a le privilège d’apercevoir les mécanismes dans la pénombre de l’efficacité symbolique »19. En d’autres termes, pour rendre compte de l’efficacité symbolique on ne saurait se passer de l’imaginaire du sujet. L’imaginaire lacanien est donc en quelque sorte une complexification du paradigme symbolique. 29S’il n’est pas lieu ici de rentrer dans la spécificité des catégories lacaniennes, ni de suivre leur évolution, on peut en revanche remarquer que le déplacement du concept d’efficacité symbolique lévi‑straussien sera solidaire d’une critique de l’idéal de science que Lacan ne cessera de développer en même temps qu’il précisera le statut de la psychanalyse par rapport à la science. Certains problèmes se posent en effet si le sujet est d’abord le résultat d’Imagos, qu’en est‑il de la nature du discours qui prétend rendre compte de ces Imagos ? La fonction symbolique ainsi déviée et couplée à une dimension imaginaire par la psychanalyse, peut‑elle encore prétendre à une quelconque légitimité épistémologique, si la vérité dépend toujours avant tout d’un sujet ? Sans succomber à la tentation herméneutique, Lacan ne va faire que radicaliser son geste au fil de son œuvre il va ainsi renouveler le rapport de la psychanalyse à la question de la science. 20 Malgré sa tentative et son rapprochement avec Einstein, il n’échappa au feu de la critique de Pop ... 30Il reprend, en quelque sorte, les questions où Freud en était resté et les approfondit. La question que se posait en effet Freud en 1933 était en effet la psychanalyse est-elle une Weltanschauung c’est‑à‑dire une conception du monde comme l’est la religion ? Ce dernier chercha à répondre par la négative en rattachant la psychanalyse à l’émergence d’une Welt scientifique dans l’histoire Freud, 198420. Lacan, en précise les rapports et s’écarte en partie de l’évolutionnisme scientifique freudien. Si l’avènement de la psychanalyse est effectivement lié à la naissance de la science, ce n’est pas en tant qu’elle s’insère dans la logique scientifique mais en tant que son champ relève de ce que la science exclut ou rejette. S’il s’agit pour la psychanalyse d’ouvrir un espace irréductible à la vérité de la parole du sujet, c’est en tant qu’elle entretient un certain rapport au langage de la science qui est un rapport d’exclusion nécessaire. Évidemment, une telle conception suppose d’élucider plus précisément ce rapport de la parole que permet la psychanalyse au langage de la science. 21 Nous reprenons ici les analyses classiques de Milner 2000. 22 Des distinctions sont là encore à faire entre le chaman et le psychanalyste. Pour l’un, il s’agit ... 31Que la science ne s’intéresse qu’au général est un constat qui s’impose. Saussure par exemple, père de la linguistique, cherchait, on le sait, à fonder la science du langage. Ainsi il fut amené à mettre à jour les régularités et à exclure de son champ d’investigation toutes les traces de l’irrégularité ou de l’accident singulier ». Or c’est précisément à ces irrégularités que la psychanalyse prête attention, en tant qu’elles révèlent le sujet. En cela, le domaine qui intéresse la psychanalyse n’est pas vraiment la linguistique, mais plutôt ce que Lacan appelle la linguisterie », c’est‑à‑dire ce qui a trait à la parole du sujet Lacan, 1972. Aussi son investigation se tient‑elle à la limite de la linguistique qui est étude du langage Lacan dira d’ailleurs de cette dernière qu’elle ne fraye rien pour l’analyse », car le lieu qui l’intéresse n’est pas d’abord celui de la structure au sens d’une structure de langage qui se répète, mais le lieu de l’accident qui la révèle mot d’esprit ou lapsus langagier qui marquent l’émergence du sujet et de sa parole21. S’il y a psychanalyse, c’est en tant que celle‑ci à affaire à la parole du sujet comme cause, ou encore qu’elle a affaire à la relation de la vérité comme cause »22. En d’autres termes, chez Lacan, le signifié passe sous la barre du signifiant nous n’avons qu’un rapport à ce dernier et non plus au premier. C’est pourtant de ce rapport au signifiant singulier que l’efficacité symbolique se soutient. 32Ainsi si on a rappelé que Lévi‑Strauss compare non sans raison le chaman et le psychanalyste, Lacan dans un texte moins connu des anthropologues Lacan, 1966c, compare cette fois‑ci, le discours de la science tel que celui auquel prétend Lévi‑Strauss à un discours religieux, et analyse l’interprétation faite par Lévi‑Strauss du chaman et de la magie en montrant qu’elle évacue le sujet. On remarquera d’ailleurs qu’il ne parle pas du rapport du signifiant au signifié à propos de l’efficacité symbolique comme Lévi‑Strauss en parlait en 1949, mais du rapport du signifiant au signifiant, glissement qui n’est évidemment pas sans implications. Une fois encore, il déforme » la perspective de Lévi‑Strauss sur la question du symbolique Sur la magie je pars de cette vue, qui ne laisse pas de flou sur mon obédience scientifique, mais qui se contente d’une définition structuraliste. Elle suppose le signifiant répondant comme tel au signifiant c’est nous qui soulignons. Le signifiant dans la nature est appelé par le signifiant dans l’incantation. Il est mobilisé métaphoriquement. La Chose en tant qu’elle parle répond à nos objurgations. C’est pourquoi cet ordre de classifications naturelles que j’ai invoqué de Lévi‑Strauss, laisse dans sa définition structurale entrevoir le pont de correspondances par lequel l’opération efficace est concevable, sous le même mode où elle a été conçue ». 33Si, Lacan, malgré cette légère distorsion », reconnaît l’approche structurale de Lévi‑Strauss au sens d’une obédience scientifique », c’est surtout pour porter sa critique plus loin. Ce n’est pas seulement faire valoir l’absence du signifié dans le paradigme symbolique dont il est question pour lui. Ce qu’il pointe de manière critique c’est surtout l’évacuation du sujet singulier dans l’approche structurale, ou autrement dit la nécessité pour la science d’exclure le signifiant singulier, champ par excellence de l’investigation de la psychanalyse C’est pourtant là une réduction qui y néglige le sujet. Chacun sait que la mise en état du sujet, du sujet chamanique y est essentielle. Observons que le chaman, disons en chair et en os, fait partie de la nature et que le sujet corrélatif de l’opération a à se recouper dans ce support corporel. C’est ce mode recoupement qui est exclu du sujet de la science. Seuls ses corrélatifs structuraux dans l’opération lui sont repérables … » Lacan, 1966c 351. 34En d’autres termes, le savant anthropologue ne peut accéder à l’essence du chamanisme puisqu’il ne s’intéresse qu’à sa dimension structurale. C’est donc, en quelque sorte, un cadeau empoisonnée » que Lacan fait à Lévi‑Strauss si le structuralisme est bien du côté de la science, ce dernier ne peut qu’échouer à rendre compte du sujet chaman. L’anthropologue ne peut qu’entrevoir le pont de correspondances », mais non rendre compte de la vérité de cette relation. On voit donc comment Lacan ne ramène pas la question de l’efficacité symbolique à celle de la science sinon à sa critique, sans pour autant échouer dans le relativisme ou dans le rejet de la science. Nous sommes alors en 1966 et Lacan peut dès lors affirmer qu’il n y’a pas de science de l’homme parce que l’homme de la science n’existe pas, seulement son sujet » ibid. 339. 23 Pour rendre compte de ce déni Lacan va analyser l’acte fondateur de Descartes du cogito, en tant ... 24 Ni la psychanalyse ni la science ne relèvent du progrès, car contrairement à ce qu’on s’imagine ... 35N’est‑ce pas là une mise au point sans appel de l’entreprise de scientificité qui pourrait être visé par les sciences humaines ? Il ne s’agit pourtant pas pour Lacan de tomber dans le subjectivisme, mais sinon d’analyser le rapport de la consistance de la vérité pour un sujet à la connaissance de la science. Le sujet de la science et le sujet de la psychanalyse se retrouvent dans un rapport inédit, rapport de mutuelle exclusion pourrait-on dire celui du langage et de la parole. C’est ainsi que Lacan, soutiendra que la démarche structurale tout comme la science » en général, impliquent un déni du sujet, opération par laquelle elles se constituent comme telles. Le désir de savoir du savant est tel qu’il constitue la science en tant qu’elle l’évacue lui-même. C’est un paradoxe, mais l’homme de science se trouve exclu par définition de son savoir et de sa science, puisqu’il ne saurait s’y inscrire il est donc le sujet qui est en exclusion interne à son objet » ibid. 341. C’est la raison pour laquelle la science, si on la regarde de près, n’a pas de mémoire. Elle oublie les péripéties dont elle est née, quand elle est constituée, autrement dit une dimension de la vérité que la psychanalyse met là hautement en exercice » ibid. 350. C’est que la vérité comme cause » telle que l’explore et l’investit la psychanalyse, la science n’en veut rien savoir on parle alors de mécanisme de dénégation » ou de forclusion » en clinique psychanalytique. En d’autres termes, le savoir de la science dépend de la négation du sujet il vise sa clôture23. Alors que par exemple, la logique moderne participe de cette tentative de clôturer le sujet de la science, le dernier théorème de Gödel montre qu’elle y échoue ce qui veut dire que le sujet en question reste le corrélat de la science, mais un corrélat antinomique puisque la science s’avère définie par la non-issue de l’effort pour le suturer ». On voit donc que pour Lacan la science en même temps qu’elle s’étend, que son langage se précise, échoue cependant à réduire un reste » ce reste est précisément le sujet de la psychanalyse et la parole. C’est ainsi qu’il scelle la science et la psychanalyse tout en s’éloignant de la conception de la science comme scientisme24. Psychanalyse de l’anthropologie clinique de la fonction symbolique chez Lévi‑Strauss 36En exposant les conceptions lacaniennes et lévi‑straussiennes de manière symétrique, on constate que les différences s’accentuent, se creusent et en même temps se précisent. Il s’agit d’aller plus loin et de reprendre les fils de cette discussion afin de déplacer à notre tour le problème en tirant les conséquences de toutes ces assertions. La linguistique dont s’inspire Lévi‑Strauss vise les régularités, or ce n’est pas la visée de Lacan, comme on l’a vu. Qu’est‑ce que cela implique que de s’intéresser aux irrégularités, que ce soit au niveau anthropologique ou au niveau de la nature du paradigme symbolique ? 37Cela signifie qu’on ne peut réduire un sujet à la structure de sa langue ou du langage. Car si les célèbres formules consacrées de Lacan, d’une part l’inconscient est structuré comme un langage », et d’autre part l’inconscient existe, se motive de la structure, soit du langage », nous indiquent en dernière instance que la structure, c’est le langage, qui est en même temps condition de l’inconscient, ou encore, ce qui revient un peu au même, qu’il n’y a d’inconscient que chez l’être parlant … », ces thèses n’ont cependant pas une simple portée de clôture ou de coupure » mais surtout une valeur heuristique et engagent une recherche » Guyomard, 2004. En d’autres termes, si la possibilité de la parole du sujet est directement liée à sa langue et au langage, elle ne saurait être arraisonnée ni par l’un ni par l’autre. La notion de fonction symbolique telle que Lévi‑Strauss l’élabore est ainsi mise à mal, et le structuralisme de Lacan est bien différent de celui de Lévi‑Strauss. Il n’en partage pas l’idéal de science. 25 Plus tard c’est la dimension du réel qui prendra le pas sur les deux autres. 38À partir de ces aspects, on commence à saisir l’éventuelle contribution de la psychanalyse pour éclairer, cette fois‑ci, certains ressorts inconscients de la science » anthropologique. La dimension symbolique telle que la manipule le psychanalyste est fort différente de celle envisagée par Lévi‑Strauss, ne serait‑ce que parce que dès 1949 Lacan la couple à la dimension imaginaire25. Considérant la vérité de la parole en tant que cause du sujet, Lacan ouvre un espace à la singularité du sujet qu’il prend bien soin d’articuler à l’universel du langage de la science. Ce n’est évidemment pas le cas de Lévi‑Strauss qui tend plutôt à effacer le sujet et sa singularité au nom de la science. Si c’est cet anthropologue qui est reconnu comme le père de la notion fondamentale en anthropologie de fonction symbolique », il peut être intéressant de soulever certains aspects relativement méconnus de sa conception et qui posent problème relativement aux enjeux présentés ici. 39En effet, tout se passe comme si la fonction symbolique de Lévi-Strauss était une façon d’éviter l’inconscient psychanalytique et le remaniement de la question du symbolique par rapport au sujet qu’effectue Lacan. On peut se reporter à son entretien avec Bellour 1979 B – Je voulais revenir et insister, en les formulant de façon plus globale, sur les questions qui précédaient, en particulier celle sur la psychanalyse à laquelle vous me semblez n’avoir qu’à moitié répondu. Ceci, dans la mesure où les clivages que vous pratiquez se trouvent éluder spécifiquement la dimension fondamentale de l’inconscient comme production du désir. L-S – Mais est-ce la dimension fondamentale de l’inconscient ? Je n’en suis nullement convaincu ». 40Si Lévi‑Strauss a bien repéré une dimension mythopoïétique dans laquelle se déploie l’exercice de la cure psychanalytique, il n’est pas certain que l’on puisse cependant rapporter celle‑ci à la fonction symbolique telle qu’il l’entend. En effet, Lévi‑Strauss dénie la singularité du sujet. Dans les textes que nous avons évoqués Lévi‑Strauss nous dit que la fonction symbolique renvoie à un ensemble de structures intemporelles que l’on appellerait inconscient », et dès lors, nous verrions s’évanouir la dernière différence entre la théorie du chamanisme et celle de la psychanalyse. L’inconscient cesse d’être l’ineffable refuge des particularités individuelles, le dépositaire d’une histoire unique, qui fait de chacun de nous un être irremplaçable. Il se réduit à un terme par lequel nous désignons une fonction la fonction symbolique […] qui chez tous les hommes s’exerce selon les mêmes lois ; qui se ramène en fait à l’ensemble de ses lois » 1949 a 232 41Puis, un peu plus loin, Lévi‑Strauss avance que l’inconscient est toujours vide ; ou plus exactement, il est toujours aussi étranger aux images que l’estomac aux aliments qui le traversent ». Il est en fait l’organe d’une fonction, la fonction symbolique ». Du coup, il se borne à imposer des lois structurales qui épuisent sa réalité » ibid. 233. On le voit, l’assimilation est totale et radicale, et l’inconscient vidé de toute pulsion, de toute dimension singulière, de tout désir. Il est équivalent à la fonction symbolique » qui est une sorte de mécanique opératoire de l’intellect. 42Face à une telle conception, on ne peut que se remémorer la boutade de Barthes ’Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée est un proverbe structuraliste » Barthes, 1995a 337. N’y a t‑il pas en effet une rage structuraliste » rage qui a peut‑être pris des gants, mais une rage polie est toujours une rage », se demandait alors Barthes non sans une délicieuse malice ? Car dans l’auguste mouvement par où Lévi‑Strauss affirme l’hypothèse symbolique, il ne résiste pas, on le voit, à la tentation d’arraisonner l’inconscient de la psychanalyse à sa fonction symbolique ». 43Mais ce n’est pas tout, et c’est le deuxième aspect de notre hypothèse. Que Lévi‑Strauss fasse du modèle structural un modèle explicatif tout-puissant et universel est une chose qui en soi est assez problématique ; cette critique a déjà été élaborée en grande partie et à juste titre, notamment par les anthropologues postmodernes. Mais soulignons que la manière dont il le fait dans ces textes mérite une attention particulière car et c’est là une des modalités de son discours généralement peu mise en valeur car il hypothèque la psychanalyse au nom d’un progrès irrésistible de la science biochimique et physiologique 26 On peut remarquer au passage que le geste de Lévi‑Strauss est d’autant plus retord » qu’il s’ap ... L’analogie entre les deux méthodes chamanique et psychanalytique serait plus complète si la description en termes psychologiques des psychoses et des névroses disparaît un jour devant une conception physiologique, ou même biochimique […] Cette éventualité pourrait être plus proche qu’il ne semble, puisque les recherches suédoises récentes ont mis en évidence des différences chimiques, portant sur leur richesses en polynucléotides, entre les individus normaux et celles de l’aliéné » ibid. 23126. 44Ces quelques remarques qui vantent les mérites d’une approche biologique de l’être humain se retrouvent plus tard dans d’autres écrits. Dans Le totémisme aujourd’hui, Lévi‑Strauss écrit En vérité les pulsions et les émotions n’expliquent rien ; elles résultent toujours soit de la puissance du corps, soit de l’impuissance de l’esprit. Conséquences dans les deux cas, elles ne sont jamais des causes. Celles‑ci ne peuvent être cherchées que dans l’organisme, comme seule la biologie sait le faire, ou dans l’intellect, ce qui est l’unique voie offerte à la psychologie comme à l’ethnologie » 1962 103. 45On voit bien que la fonction symbolique » s’assimile à un intellect renvoyé au fonctionnement du cerveau, tel qu’il est envisagé par la biologie. Un des commentateurs de Lévi‑Strauss nous dit d’ailleurs Il semble bien que Lévi‑Strauss pour sa part est convaincu de la complémentarité entre le structuralisme et la neurobiologie …. Les propriétés logiques que le structuralisme met en évidence pourraient se rapporter en dernière instance à l’organisation cérébrale » Rechtman, 1996 64-65. 46On voit donc que Lévi‑Strauss rejette l’inconscient freudien pulsionnel et singulier pour asseoir le symbolisme structuraliste sur une prétendue correspondance avec le modèle de la science biologique. Il renaturalise » donc la dimension symbolique au nom d’un idéal de la science on pourrait dire qu’il existerait pour lui, en quelque sorte, l’idée d’un signifié naturel ». Lévi‑Strauss éradique la logique du signifiant singulier, arraisonne le sujet, écrase sa parole, le réduisant à une pure fonction au nom de la science… En dernière instance il n’hésite pas à ramener le paradigme symbolique à un biologisme sous le thème de la métaphore poétique ». Et, c’est peut‑être ici que le désaccord avec Lacan est le plus saillant. 47En effet, pour ce qui est du débat qui nous intéresse, nous retrouvons une réponse très tranchée à l’hypothèse de Lévi‑Strauss formulée en 1949, à savoir celle de l’isomorphisme » métaphorique est‑ce un hasard si, 28 ans plus tard, Lacan reprend en effet la question de la nature de la poésie pour décrire l’activité psychanalytique ? Mais il le fera à l’opposé de ce qu’aura fait Lévi‑Strauss. Lacan, plutôt que d’assimiler la psychanalyse à une science n’hésitera pas à dire, non sans provocation malicieuse, qu’elle serait une escroquerie » elle serait, d’une certaine façon, du chiqué, je veux dire du semblant. […] Il est parvenu à vos oreilles que j’ai parlé de la psychanalyse comme pouvant être une escroquerie » Lacan, 1977a. 48Cependant, s’il s’agit d’une escroquerie », encore faut‑il s’entendre sur les termes. Il les précisera en effet la psychanalyse est peut-être une escroquerie, mais ce n’est pas n’importe laquelle – c’est une escroquerie qui tombe juste par rapport à ce qu’est le signifiant, soit quelque chose de bien spécial, qui a des effets de sens. […] À cet égard, la psychanalyse n’est pas plus une escroquerie que la poésie elle‑même » Lacan 1977b. 49Lacan jusqu’à la fin de sa vie n’aura pas cédé ni à la tentation du scientisme, ni non plus à celle de condamner de la science. Conclusion et aujourd’hui ? 27 C’est notamment non un anthropologue mais un psychanalyste qui a mené cette critique particulière ... 28 C’est le cas notamment de Sulloway qui soutient que Freud était en réalité un biologiste de l’e ... 29 Pour la petite histoire, Sulloway est chercheur au MIT. Or, ce […] département allait devenir c ... 30 Citons un commentateur de ces mouvements, pour se remettre dans l’ambiance » de l’époque de la ... 50C’est donc un curieux paradoxe, peu souligné il est vrai dans l’histoire de l’anthropologie culturelle où Lévi‑Strauss occupe une place de premier plan, que cette œuvre soit aussi celle par où se réintroduit le naturalisme contemporain27. Ce n’est pas un hasard si l’on retrouve les mêmes références à l’œuvre de Freud que faisait Lévi‑Strauss dans les années 50, chez des anthropologues contemporains qui tentent de biologiser la psychanalyse28. De même que Lévi‑Strauss cite les rares passages où Freud mise sur les progrès de la biologie contre la psychanalyse pour justifier l’hypothèse d’une biologisation » de la fonction symbolique, certains auteurs soutiennent que Freud était un biologiste de l’esprit qui avait caché son inspiration biologisante en d’autres termes, les concepts fondamentaux de la psychanalyse se trouveraient dans les neurosciences29. C’est là un habile moyen d’ignorer l’œuvre de Freud, mais aussi surtout celle de Lacan. Ce discours se présente sous le masque d’une fringante modernisation scientifique », alors qu’il est évidemment en son fond une régression, un retour en arrière, une dénégation de la singularité et du désir du sujet. Cette prolifération d’un savoir de nature scientiste n’est pas sans rappeler l’inconscient cérébral » du XIXe siècle et sa prolifération Gauchet, 1992. Or si plus personne ne se souvient aujourd’hui de la morpho‑psychologie, du constitutionalisme, ou de l’anthropométrie de Galton30 mis à part quelques rares historiens des sciences, la désuétude et l’oubli qui frappent aujourd’hui ces conceptions surannées constituent assurément le pendant du triomphe des sciences humaines contemporaines et du paradigme symbolique. Mais pour combien de temps encore ? Car force est de constater que la psychologie et l’anthropologie cognitives contemporaines sont un avatar de cette conception ancienne. Si une bataille fut autrefois gagnée, il semblerait que la guerre a désormais repris… Tout en se distinguant des neurosciences et de la biologie, les courants cognitivistes trouvent en ces dernières la référence obligée à leur exigence matérialiste, comme Lévi‑Strauss. Et il s’agit bien là toujours du même motif celui d’un certain idéal de science que l’on cherche à appliquer à l’homme, quitte à le faire taire, à empêcher sa parole. 51En tout état de cause, rouvrir le dossier relativement oublié des rapports de l’anthropologie et de la psychanalyse et des enjeux de leurs paradigmes respectifs doit inviter à poursuivre la discussion aujourd’hui. La psychanalyse interrogea radicalement le projet de toute science de l’homme et même de toute science, pour le remettre en cause et renouveler la vieille question celle posée à l’époque où les sciences humaines furent fondées de savoir si la psychanalyse et l’anthropologie sont hors ou dans la science ? 31 En effet, le linguiste lui‑même n’est-il pas linguiste que dans la mesure exacte où il est lui- ... 32 On pourrait rapprocher ces travaux de Lacan de ceux de Foucault ou de Derrida, qui furent produit ... 33 Nous pensons ici aux récents travaux d’Eric Chauvier. On peut se reporter à sa thèse où l’auteur ... 34 On ne peut éviter aussi d’évoquer ici la contribution de la philosophie contemporaine comme celle ... 52La clinique, en tant que son objet est la singularité de la parole d’un sujet, interroge de manière exemplaire la question de l’objet de la science en général, et donc de tout idéal de science dans les sciences de l’homme. Toute prétention scientifique en tant qu’elle vise le général et éradique les irrégularités du sujet, ne peut-elle pas faire l’objet d’une problématisation psychanalytique, surtout si elle prétend faire une science de l’homme »31 ? La psychanalyse, par son attention aux mots singuliers, ne pouvait peut‑être que déconstruire l’aspect fantasmatique du projet consistant à élaborer une science » de l’homme32. Cependant il se pourrait que ce soit aujourd’hui les recherches en anthropologie contemporaine33 qui se soit engagée plus avant dans l’investigation du paradigme symbolique quant à ses conséquences théoriques et pratiques34. Et, même si Lacan ne fut pas dupe de la science là où Lévi‑Strauss le fut, son œuvre n’a pas, bien entendu, à être exemptée d’un travail critique. Il semble que la situation psychanalytique n’a guère été inquiétée jusqu’alors par la critique postmoderne des effets de langage, qui a pour intérêt de montrer les illusions présentes dans les concepts fondateurs des disciplines. Est‑ce pour avoir poussé assez loin sa pratique du langage et sa théorisation critique que, jusqu’à aujourd’hui, elle a réussi à s’en préserver ? Rien n’est moins sûr, mais c’est certainement de bon augure pour la psychanalyse ; comme le disait Tosquelles 1991 » ce qui caractérise la psychanalyse c’est qu’il faut l’inventer ». Top of page Bibliography Assoun Zafiropoulos M. dir., 2002. 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Sur la question de cette notion fondatrice en sciences humaines et ses origines on peut notamment se rapporter à l’article de Kremer‑Marietti 2007 qui l’inscrit dans l’hégélianisme et dont on peut retenir le commentaire suivant Symboliser est l’acte essentiellement fondateur dans le sens où fonder, c’est ici poser à la fois la condition de possibilité et l’accomplissement de la convention humaine, du pacte incontournable. Si la psychanalyse met au jour la topique symbolique, l’ethnologie la confirme et les sciences humaines l’impliquent ». 2 D’après ces doctrines, le trouble psychique était dû à processus neuro‑dégénératif. 3 Il faut rappeler que Durkheim, fondateur de la sociologie, tout comme Ribot, fondateur de la psychologie en France, étaient tous deux philosophes de formation. Seul Mauss, fondateur de l’ethnologie et neveu de Durkheim ne l’était pas. 4 La citation complète mérite l’attention pour donner un aperçu de son propos Il n’y a pas d’autres causes que des causes naturelles. Il n’y a pas d’exceptions aux lois de la physique. Dans le social, on est confronté au même matériel » cité par Dosse, 1995 247. 5 Sur ces questions on se reportera à l’excellente critique de Bernard Juillerat 2001 9-38 concernant cette approche naturaliste en général. Elle constitue notre référence en la matière. 6 C’est notamment le cas du très médiatisé Livre noir de la psychanalyse où les auteurs, après avoir critiqué la psychanalyse, font en fin d’ouvrage l’apologie des thérapies neuro‑comportementales Meyer, 2005. 7 Comment ne pas voir que les récents débats autour de l’efficacité thérapeutique de la psychanalyse en France autour de l’amendement Accoyer s’inscrivent aussi dans ce même phénomène évaluatif inspiré des approches cognitives anglo-saxonnes ? 8 C’est le cas d’une lecture qui semble devenir fréquente et qui, même si elle est incontestablement féconde philosophiquement, peut laisser de côté certaines questions spécifiques aux œuvres Maniglier, 2006. 9 En effet, les rapports de Lacan à Lévi‑Strauss ont déjà été remarquablement explorés mais de manière différente. Lacan serait d’abord tributaire de Durkheim, puis son retour à Freud se ferait par Lévi‑Strauss à qui il devrait l’essentiel de ses concepts Zafiropoulos, 2001, 2003. Dans une lecture complémentaire à cette dernière, nous insisterons quant à nous sur leurs différences et sur la fécondité de la lecture lacanienne de Lévi‑Strauss. 10 On ne présentera pas ici l’ensemble des recherches d’anthropologie psychanalytique qui furent menées depuis plus d’un siècle de recherche de l’anthropologie américaine avec Margaret Mead et les culturals studies du début du siècle, jusqu’aux développements de Roheim, de Dévereux ou de Bastide en France jusqu’à la fin des années 1970. On peut notamment se reporter sur ces questions à la préface de François Gantheret 1993 à Totem et Tabou qui dégage ces aspects. 11 Depuis L’oedipe africain d’Ortigues 1966 la psychanalyse inspirée de Lacan n’a pas exprimé grand-chose sur l’anthropologie semble t‑il. De plus, si dans la première édition de ce livre, référence est faite aux concepts lacaniens, il n’en sera plus de même dans la 3e édition 1984. Au fond, Ortigues n’était‑il pas avant tout philosophe ? On peut se reporter au numéro consacré par L’Homme qui lui rend hommage – l’étendue de son œuvre déborde largement le champ de la psychanalyse on regardera notamment l’article de Vincent Descombes, 2005 – ainsi qu’à l’entretien de Simone Gerber et Alex Raffy dans la revue Le coq Héron qui fait notamment état de la clinique africaine dans les années cinquante 2004. Cependant, une autre tentative s’élabore et s’affirme comme incontournable aujourd’hui. Cette autre anthropologie psychanalytique vise à intégrer les avancées des recherches psychanalytiques, notamment cliniques, et les avancées des recherches en sciences sociales Assoun & Zafiropoulos, 2001, 2004, 2007. Notre travail est proche de cette perspective. 12 On pense ici notamment à l’ouvrage de Favret‑Saada qui fit date, Les mots, la mort, les sorts la sorcellerie dans le bocage 1977. 13 Mieux encore, comme on le sait, elle‑même en dépend la production des faits de laboratoire s’inscrit elle aussi dans la culture et la science est imbibée de valeurs Latour & Wooglar, 1988. 14 Comme nous le verrons Lacan développe un certain rapport de la psychanalyse à la science. Il ne s’agit certainement pas de tomber dans la caricature anti‑scientifique, mais de distinguer la science de la psychanalyse, tout en essayant d’élucider leurs liens. 15 Cette affirmation mériterait bien entendu de plus longs développements, que nous n’avons pas les moyens d’exposer ici. 16 C’est‑à‑dire au sens où l’on parle d’une science physique. 17 Au‑delà de leurs différences, ces deux auteurs plutôt tenus à l’écart du débat aujourd’hui postulent davantage qu’il existe une différence de nature ontologique entre la pensée magique et la pensée rationnelle. 18 Le concept d’abréaction se trouve essentiellement valorisé dans les premières élaborations théoriques freudiennes conçues sur le modèle de la catharsis. L’abréaction en psychanalyse consiste en une décharge émotionnelle par laquelle un sujet se libère de l’affect attaché à un événement traumatique ou souvenir d’un événement traumatique, lui permettant ainsi de ne pas devenir ou rester pathogène Laplanche & Pontalis, op. cit.. 19 » Pour les imagos, en effet, dont c’est notre privilège que de voir se profiler, dans notre expérience quotidienne et la pénombre de l’efficacité symbolique, les visages voilés, – l’image spéculaire semble être le seuil du monde visible … » Lacan, 1966d 95. 20 Malgré sa tentative et son rapprochement avec Einstein, il n’échappa au feu de la critique de Popper qui paraît deux ans plus tard 1988. 21 Nous reprenons ici les analyses classiques de Milner 2000. 22 Des distinctions sont là encore à faire entre le chaman et le psychanalyste. Pour l’un, il s’agit de la vérité comme cause efficiente son domaine sont les signifiants naturels ; la magie qu’il déclenche provient du fait qu’il manipule de signifiants naturels tonnerre, pluie, météores et miracles, pour le psychanalyste, Lacan parle de la vérité comme cause matérielle puisqu’il s’agit de la matérialité » de la parole qui est sans rapport avec la nature Lacan 1966c. 23 Pour rendre compte de ce déni Lacan va analyser l’acte fondateur de Descartes du cogito, en tant que sujet de la science. La possibilité du cogito et de la fondation de la science moderne par Descartes ne reposait-elle pas en effet sur l’idée d’une mathesis universalis, c’est‑à‑dire d’un langage qui, prenant la mathématique comme modèle, pourrait rendre compte de tous les phénomènes ? Lacan dans Les problèmes cruciaux pour la psychanalyse leçon du 9 juin 1965 indique bien que le cogito cartésien définit les rapports du sujet au savoir comme étant le sujet de la connaissance. En d’autres termes, si le cogito fonde le sujet de la science et son langage, c’est aussi en excluant le sujet il y a un je pense qui est savoir sans le savoir » ibid.. Le je pense » n’a plus de rapport avec le suis » c’est au contraire dans les ratages, lapsus, symptômes que je » trouve son statut de sujet. La condition de sujet parlant sera toujours d’être divisée on ne se révèle jamais autrement à soi-même que dans un mi‑dire de sa parole, car la vérité, contrairement à la certitude de la science, n’est pas toute ». Le langage de la science est en quelque sorte l’envers de la parole du sujet. 24 Ni la psychanalyse ni la science ne relèvent du progrès, car contrairement à ce qu’on s’imagine, la science tourne en rond, et nous n’avons pas de raison de penser que les gens du silex taillé avaient moins de science que nous. La psychanalyse, notamment, n’est pas un progrès... c’est un biais pratique pour mieux se sentir » Lacan, 1977. 25 Plus tard c’est la dimension du réel qui prendra le pas sur les deux autres. 26 On peut remarquer au passage que le geste de Lévi‑Strauss est d’autant plus retord » qu’il s’appuie sur deux suggestions isolées de Freud, où le père de la psychanalyse évoque la possibilité d’un anéantissement de la psychanalyse par le progrès de la science objectiveces remarques se trouvent dans Au delà du principe de plaisir Freud, 1968 78,et dans les nouvelles conférences Freud, 1984 [1933] 198. 27 C’est notamment non un anthropologue mais un psychanalyste qui a mené cette critique particulière de Lévi‑Strauss, notamment dans un livre qui s’intitule La causalité psychique Green,1995. 28 C’est le cas notamment de Sulloway qui soutient que Freud était en réalité un biologiste de l’esprit » 1992. Il n’en demeure pas moins que Freud a malgré tout posé l’autonomie du psychisme et mis en garde la psychanalyse face à la tentation d’une main mise par la médecine psychiatrique. Freud, médecin de formation, s’était écarté peu à peu de l’approche biologisante et médicale de la psychiatrie. 29 Pour la petite histoire, Sulloway est chercheur au MIT. Or, ce […] département allait devenir celui des sciences cognitives, ardent défenseur des thèses de l’évolutionnisme social et historien des sciences spécialiste du darwinisme… » selon Michel Plon, qui le présente en introduction. 30 Citons un commentateur de ces mouvements, pour se remettre dans l’ambiance » de l’époque de la thèse lacanienne Physiologues et médecins, surtout observateurs du corps, ont décrit des morpho‑types et des biotypes constitutions, plutôt anatomiques ; tempéraments, plutôt physiologiques, auxquels ils ont rattaché des traits de caractère de nature psychologique, tandis que psychologues et moralistes ont plus particulièrement nommé caractères depuis Théophraste les structures psychologiques fondamentales sous‑jacentes à la personnalité et susceptibles de regroupement ; des morphopsychologues ont tenté de trouver des corrélations entre caractères et morphotypes » Torris, 1972. 31 En effet, le linguiste lui‑même n’est-il pas linguiste que dans la mesure exacte où il est lui-même un sujet parlant ? » se demande Milner à juste titre Dans certains cas – notamment, quand il étudie sa propre langue –, le retour sur soi lui est ainsi constamment imposé ; mais de toute manière, à supposer même qu’il étudie une langue qui ne soit pas la sienne, il ne peut l’étudier sans la faire sienne, si peu que ce soit. Il s’établit donc toujours une coïncidence entre l’observateur et l’observé ; cela ne manque pas de créer une structure paradoxale » Milner, 2004. 32 On pourrait rapprocher ces travaux de Lacan de ceux de Foucault ou de Derrida, qui furent produits dans des périodes proches… sauf que ces philosophies vont jusqu’à défaire le sujet lui-même. De plus, cette idée que la science ne s’assimile pas à la vérité se trouve chez Lacan bien avant les années cinquante en 1936 notamment dans un article intitulé Au delà du principe de réalité » qu’il consacre à la psychanalyse et à Freud […] la science peut s’honorer de ses alliances à la vérité ; elle peut se proposer comme son phénomène et sa valeur ; elle ne peut d’aucune façon l’identifier pour sa fin propre » Lacan, 1966b 78. Et c’est ainsi qu’il s’exprimait encore dans son séminaire du 15 novembre 1977 Lacan, 1977d » Ce que j’ai à vous dire, je vais vous le dire, c’est que la psychanalyse est à prendre au sérieux, bien que ce n’est pas une science. Ce n’est même pas une science du tout. Parce que comme l’a montré surabondamment un nommé Karl Popper, c’est que ce n’est pas une science parce que c’est irréfutable. C’est une pratique qui durera ce qu’elle durera, c’est une pratique de bavardage. Et aucun bavardage n’est sans risque ». 33 Nous pensons ici aux récents travaux d’Eric Chauvier. On peut se reporter à sa thèse où l’auteur s’appuie sur la micro observation et sur une pragmatique du langage pour décrire sa propre famille 2003. Comme le faisait remarquer un éminent anthropologue, cette anthropologie consiste dans le recueil de nos BOV, c’est-à-dire dans l’écoute de la bande originale de nos vies. On peut aussi se reporter notamment à son dernier ouvrage 2008 où l’auteur investit une institution qui s’occupe du placement familial. 34 On ne peut éviter aussi d’évoquer ici la contribution de la philosophie contemporaine comme celle de Judith Buttler qui montre les effets normatifs de toute théorie Butler, 2002, et dont une partie du travail consiste dans une critique et une reprise des données de la psychanalyse. Le néophyte se reportera utilement à son recueil d’entretiens Butler, 2005.Top of page References Bibliographical reference Florent Gabarron-Garcia, De l’anthropologie de la psychanalyse à la psychanalyse de l’anthropologie », Journal des anthropologues, 116-117 2009, 69-104. Electronic reference Florent Gabarron-Garcia, De l’anthropologie de la psychanalyse à la psychanalyse de l’anthropologie », Journal des anthropologues [Online], 116-117 2009, Online since 01 June 2010, connection on 24 August 2022. URL ; DOI of page Copyright Journal des anthropologuesTop of page

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en rapport avec le père de la psychanalyse